Décidément, nous vivons une ''drôle'' d'époque !
J'évoquais récemment la question des mises en scène à l 'opéra, de plus en plus critiquées, mais voici que le phénomène gagne maintenant le théâtre. Non que j'en sois moins amateur, e tous cas moins connaisseur, je trouve que cela devient inquiétant, et commence à me poser la question: ''Mais où va t'on ?''
Dans son édition du 14 juillet dernier, Le Monde titre : ''Avignon : Shakespeare transformé en scénariste de feuilleton télé ''.
La critique y fait allusion à la représentation de trois pièces de Shakespeare, (Coriolan, Jules César et Antoine et Cléopâtre) " qui a divisé le public en deux blocs, l'un qui a déserté, l'autre qui a ovationné".
Mise en scène d'un certain Ivo van Hove avec sa troupe du Toneelgroep d'Amsterdam…
Je cite ici la critique :
''Un grand écran installé en hauteur barre le devant du plateau. Les personnages de Shakespeare sont des politiciens d'aujourd'hui, hommes et femmes dans leurs uniformes en vigueur. Sur les côtés sont aménagés des bars, des points Internet et même un coin lecture. L'action, éclatée, est régulièrement interrompue par des pauses où le public est invité à venir manger, boire ou consulter ses mails. Les spectateurs qui le désirent peuvent s'installer dans les canapés et suivre le reste du spectacle à la télévision. On l'aura (vite) compris : nos démocraties sont devenues de vastes supermarchés, et nous, citoyens, des consommateurs. Le spectacle, qui joue à fond l'esthétique de feuilleton télévisé, se mord la queue'.'
A la lecture de cette critique, je deviens réellement sceptique sur la nature des spectacles qu'on nous offre aujourd'hui, et me demande réellement s'il faut continuer à fréquenter ce genre de manifestations soi-disant ''culturelles''… (D'ailleurs, cet été, je ne suis allé et n'irai nulle part, craignant trop la déception, par rapport aux superbes moments que j'avais vécus dans le passé, d'autant que la multiplication des festivals un peu partout, a souvent généré un appauvrissement relatif des programmes, tel que le mot Festival a perdu beaucoup de son sens premier de Fête ). Dans ce domaine encore, le niveau baisse, à l'exception de quelques grandes manifestations, dont les tarifs, eux, sont à la hausse ; loi normale du marché, qui reste hélas soumis aux même lois économiques : la rareté se paye !
Je reviens donc au thème de ce forum, et vous livre ci-joint une réflexion du grand pianiste Aldo Ciccolini, que j'ai toujours admiré et, de plus en plus tenu pour un ''sage'', dernièrement parue dans la revue Classica. CLASSICA__Aldo_CICCOLINI
Je vous laisse à la lecture de ce qu'il dit, et à votre réflexion sur ce sujet, à laquelle personnellement, je suis tout près d'adhérer. Hélas !
17 juillet 2008
DE L'OPERA AU THEATRE, LA MISE EN SCENE VACILLE
Commentaires sur DE L'OPERA AU THEATRE, LA MISE EN SCENE VACILLE
- Le problème ne date pas d'aujourd'hui...A la fin des années 60 (hiver 66 / 67), surveillant-animateur à l'E.N. de Besançon, je venais - bien modestement - de mettre en scène pour mes élèves-maîtres, une petite pièce de Marivaux: L'Héritier de Village; on annonce alors la venue du Théâtre d'Aubervillers (direction: un certain Patrice Chéreau)qui présente cette pièce. Je ne veux pas manquer ça, d'autant qu'un débat est prévu après la représentation, avec le metteur en scène et le public. Jeu irréprochable des acteurs ; mais deux points me chagrinent: le décor plutôt froid (déjà!), sur lequel je veux bien passer et - surtout - le gommage (total!) du parler "paysan" (campagnard?) de plusieurs personnages de la pièce. Exemple: "Morgué! v'là ben du biau monde!" devient chez Chéreau: "Morgué! (san "r" roulé, naturellement) voilà bien du beau monde!". J'ose alors prendre la parole et demande à Chéreau de bien vouloir nous expliquer les raisons de cette "décaractérisation" pure et simple. Le (futur) grand homme me répond alors (hautain et un brin méprisant):" Mais qu'est-ce que ça change sur le fond ? ça ne présente aucun intérêt, ce parler populaire". Personnellement, je pensais - naïvement - que c'était déjà respecter le texte, donc l'auteur et puis que ça permettait de situer plus nettement le niveau social des personnages tout en apportant une note de fantaisie - et de sourire - dans le dialogue. Arguments vite balayés par "Son Autorité" (c'est bon pour le boulevard, ça, n'est-ce pas...?). Quand la personnalité de Chéreau s'est par la suite affirmée, comme chacun le sait, tant au théâtre qu'à l'opéra, j'ai toujours pu vérifier que cet homme n'avait pas varié d'un iota dans ses convictions: froideur, décors limite glauques (cinéma ! ), intellectualisme forcené. Mais l'Intelligentia (et toutes les cohortes de snobs) adorent ça. Chéreau (et quantité de disciples et d'épigones à sa dévotion) est adulé tant en France qu'à l'étranger. Résultat: on nous balance aujourd'hui - et ce à foison !- des Don Giovanni dans le Bronx, des Noces de Figaro dans un environnement HLM, des Cosi devant un mur de hangar minable, des Jules César transportés en Irak avec une soldatesque costumée en WaffenSS, etc. Avec un maître-mot qui excuse tout: ac-tu-a-li-ser ! Si on n'adhère pas, c'est qu'on est réac, bien sûr, ou qu'on ne comprend rien de rien, qu'on est singulièrement à la traîne dans la "marche du siècle"...En tout cas, plus de place pour le rêve, pour le plaisir (de l'oeil comme de l'oreille), pour le souvenir...(du passé faisons table rase !). Faut pas m'en vouloir: je ne vais plus au théâtre; et presque plus à l'opéra. Mais je suis sans doute un vieux c..?!
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