"Depuis quelques années, les enregistrements de la musique de Bach au piano pleuvent" écrivez vous dans votre dernière chronique du Monde, que je lis toujours attentivement.

Certes la musique de Bach était écrite pour le clavecin, faute de piano, à son époque. Mais le piano eut-il existé, il faudrait aussi se demander si Bach, si moderne et novateur dans l'esprit à son époque, ne l'aurait pas écrite pour cet instrument !

Vous affirmez, et c'est vrai, que "Dans les années 1970, il était rare de voir un jeune pianiste oser jouer en public ou enregistrer Bach", mais déjà, bien avant cette époque, un Dinu Lipatti n'avait pas hésité pas à le jouer en concert ! Et, dans les années qui ont suivi, au disque, n'a-t'on pas eu d'autres nombreuses versions au piano de sa musique, par des Jean-Bernard Pommier (Toccatas, Inventions), Alexis Weissenberg (Partitas) et tant d'autres dont la liste ici serait trop longue ?

Personnellement, la question que je me pose, et vous pose, n'ayant pas la réponse, est de savoir si la découverte de l'œuvre de Bach n'est pas, pour la masse du public découvreur mais pas nécessairement connaisseur, plus facile avec le piano qu'avec le clavecin ?

Et n'est-ce pas le clavecin qui, indirectement, en faisait une affaire de spécialistes comme vous l'écrivez ? Sans doute l'austérité de la musique de Bach – si tant est qu'elle soit austère ! – est elle plus prononcée au clavecin qu'au piano, instrument tellement plus contemporain, auquel toutes les oreilles sont tellement plus familiarisées.

Pour ma part, en tant que pianiste amateur depuis mon enfance, je vous avouerai que j'ai eu beaucoup plus de facilité à découvrir sa musique jouée au piano, qu'au clavecin, ce dernier - mais c'est là une position toute personnelle - me fatiguant pour ne pas dire me "crispant" auditivement quand j'en écoute plus d'un quart d'heure !

Vous citez les dernières versions parues au disque (Grimaud, je pense, simple oubli !) mais rappelez utilement le mélomane aux enregistrements de Gulda, merci ! J'ai toujours adoré l'excentricité d'un Gould, qui m'a largement permis d'aimer cette musique puis d'en venir à Gulda : sans condition ! Ce sont pour moi les deux interprètes de Bach au Piano avec un p majuscule.

J'ajoute pour finir, que Rémy Martin, dans sa Folle Journée que j'écoute avec plaisir, n'a pas hésité à recourir au Piano : il doit bien y avoir une raison à celà !

Cordialement,

Christian VIGUIE