Il y a trois ans, un article sous la signature de Marie-Aude Roux, chronitrice musicale du Monde, m'avait interpellé.

 

Titre : " Les musiciens de l'Orchestre de Paris abandonnent le frac ". Je le reproduis intégralement ci-dessous :

 

" En tombant le frac, les musiciens de l'Orchestre de Paris vont probablement provoquer une petite révolution dans le monde très conservateur de la musique classique. La chose n'a d'ailleurs pas été facile à négocier au sein même de l'orchestre. "Beaucoup ne comprenaient pas la nécessité de cette mutation, constate Stéphane Rolland, le jeune directeur artistique de la maison de haute couture Jean-Louis Scherrer, chargé de relooker l'orchestre. Mais le monde bouge, et il n'y a guère qu'en Angleterre où porter un frac a encore un sens. La dernière fois que j'en ai mis un à Paris, on m'a pris pour un garçon de café !"

 

Mettre la musique en phase avec son public est précisément ce qui a porté le frac dans l'orchestre au XIXe siècle : dans la fosse et dans la salle, on est en miroir. Réversibilité des temps : le frac, emblème d'une classe sociale dominante, est à l'origine le signe d'une volonté démocratique et égalitaire, dont l'origine remonte au milieu du XVIIIe siècle anglais. Antithèse du grand habit de cour à la française, ce costume sombre ouvert sur le devant et terminé dans le dos par deux longues basques, dont la largeur, ou l'étroitesse, indique la queue de morue ou la queue de pie, marque l'avènement d'une bourgeoisie qui écoute désormais la musique dans les salles de concert. En France, tandis que l'on guillotine les perruques, le frac est un enjeu des Etats généraux de 1789. Philippe Egalité l'endossera en gris.

 

CONSENSUEL SANS NEUTRALITÉ :

 

Reste que, sur le plan pratique, le frac avait des avantages, notamment en ce qui concerne l'aisance des mouvements. "Mon premier impératif, explique Stéphane Rolland, a été de repérer tous les paramètres physiologiques exigés par le jeu d'un instrument. Le second, de dessiner un uniforme consensuel sans tomber dans la neutralité. Le troisième, d'expliquer tout cela aux musiciens. J'avais gardé de ma précédente expérience avec la RATP et la SNCF le souvenir d'une menace de grève ferroviaire à cause d'un bouton doré !"

 

L'adieu au frac sera sans doute vécu comme le déni - voire une castration - d'un rituel social que la musique classique avait préservé, et que seuls les musiciens de la musique contemporaine et les "baroqueux" avaient osé braver. Mais il devrait aussi, si l'on en croit l'acousticien Tateo Nakajima, l'un des rénovateurs de la Salle Pleyel, pour qui oeil et oreille sont indissociables, inaugurer une nouvelle ère de la musique symphonique (Le Monde du 12 septembre).

 

"Je pense que l'habit est un début de scénographie et que les musiciens sont aussi des acteurs, affirme Stéphane Rolland, créateur en 2005 des costumes de l'Amadeus de Peter Shaffer au Théâtre de Paris. Comme la musique, le vêtement doit donner une émotion." Les musiciens portent donc une redingote noire doublée de rouge aux lignes très graphiques, un pantalon droit et une simple chemise de popeline blanche ceinturés de satin noir, ainsi qu'une fine cravate cavalière noire. De quoi donner envie au public de défroquer le jean. "

 

Marie-Aude Roux

 

Article paru dans l'édition du 15.09.06

 

 

 

Mais quoi, comment ?

 

Oui, je suis choqué ! Car abandonner sinon le frac, du moins un habit de cérémonie en public, pour un musicien, correspond, pour moi, à un manque de respect à l'égard du compositeur qu'il interprète.

 

Et c'est aussi un manque de respect pour l'auditeur venu l'écouter.

 

Certes, le public des salles de concert, aujourd'hui, n'a plus l'habitude de s'habiller pour aller au concert.

 

Mais il y a là un effet réciproque : musiciens versus public et public versus musiciens, tout à fait déplorable dans la mesure où non seulement plus aucune tradition n'est respectée, mais où il n'y a plus aucun respect des uns vis à vis des autres. Encore plus vis à vis du compositeur.

 

Pour moi, le concert, (a fortiori le Festival) est une fête, un hommage. L'usage n'est-il pas, encore de nos jours de s'habiller pour un fête ? : il ne s'agit pas de s'y rendre en smoking ou en queue de pie certes, mais de là à s'y rendre dans une tenue tout à fait négligée… cela me paraît autant un manque de respect vis à vis des interprètes qui eux, ont fait l'effort de s'habiller, qu'un manque de gratitude vis à vis du compositeur qu'il est venu écouter.

 

Dans de telles conditions, auxquelles on s'habitue depuis déjà pas mal d'années, majorées si je puis dire par la pratique des festivals d'été, comment peut-on imaginer que les musiciens d'orchestre finissent par réagir autrement ? (soit dit en passant, s'agissant des festivals en été, la question ici,  ne se pose pas, ou plus : la chaleur ambiante permettant autant aux musiciens qu'au public de moins s'habiller, cela va de soi)

 

Qui sait, donc, si l'attitude du public qui, c'est sûr, s'habille de moins en moins pour aller au concert, n'aura pas eu, finalement une influence sur les membre de l'Orchestre de Paris ?

 

Pour autant, je constatais encore tout récemment (ce dimanche 1er février) en regardant sur Arte la Folle Journée, qu'un pianiste comme Andrei Korobeinkov se présentait au public en queue de pie.

 

N'y a t'il pas là tout de même un peu plus de tenue autant que de respect, tant vis à vis du public venu l'écouter que du compositeur dont il sert l'œuvre ?

 

Non ! La révolution des musiciens de l'O.P. n'est sans doute pas bienvenue, et ne servira guère à mettre en phase le public avec la musique.