L'annonce de la fusion des deux magazines auxquels je suis fidèlement abonné depuis des années ne m'a certes pas réjoui, levant aussitôt dans mon esprit autant de doutes que de craintes.

Je le craignais : tout grand homme de presse qu'il soit, sauf son respect, non ! Je ne rangerai pas  ce grand patron de presse dans ma " Cour des Grands Chefs " : dans l'Editorial du dernier numéro de Classica qu'il a co-rédigé avec la participation d'un directeur de rédaction d'un journal d'une sphère bien autre que musicale, il se plait à comparer sa rédaction à un " orchestre de plumes ".

Fi donc d'un chef d'orchestre de valeur, oublieux d'un grand principe qu'il convient ici d'actualiser vu nos modes de communication : " Cent fois sur le clavier, remettez votre ouvrage…". Principe certes davantage respecté par nos grands pianistes que par nos soi-disant hommes de plume.

Je le craignais : dans son courrier aux abonnés du Monde de la Musique joint à l'envoi de son dernier numéro, il annonçait que le meilleur des deux magazines y sera repris. Mais comment fusionner leurs richesses respectives, dans une nouvelle parution de volume équivalent ?

Je le craignais : comment, dans une telle fusion, qui cache bien au lecteur qu'elle n'est qu'une opération à la fois financière et marketing, comment disais-je conserver l'ensemble des rédacteurs de chacune des deux revues , sans purger de l'une ou de l'autre les meilleurs ? Apparemment sans le moindre souci de leur devenir. Il fallait bien conserver un rédacteur en chef : je ne suis pas certain que ce soit le meilleur des deux qui l'ait été ; on aura simplement maintenu en place je n'ai rien contre lui, encore qu'il ne soit pas génial, celui du journal acquéreur. Absence de souci que l'on a hélas souvent vue dans bien d'autres cas de fusions, mais désormais contagieuse à celui de la culture.

Je le craignais : Ne sommes nous pas tombés dans une ère  de pure dépréciation  des hommes de valeur -bousculés par des hommes de médias ? Et cette fusion ne serait-elle pas dans le même vent que celui qui souffla sur la grille de rentrée de France Musique en septembre dernier  : Ou comment un chef d'orchestre (certes lui aussi, pas de premier rang) nommé à sa direction, mais prisonnier à ce poste du poids de sa médiatique direction,  s'est  octroyé la brutale inspiration de purger les meilleurs de ses animateurs, sous le simple (et artificiel) prétexte qu'ils étaient trop âgés. Le poids des media, -à n'en point douter, surtout lorsque l'on sait que la-dite chaîne se bat âprement contre l'audimat de sa concurrente -nulle, et qu'elle aurait mieux fait d'ignorer- n'enlève rien à ma rancoeur de la voir ainsi  se dégrader de directeur en directeur, depuis plus de cinquante ans que je l'écoute. Faut-il donc que de surcroît, ce soit de la même veine dans une presse tout autant adorée ?

Je le craignais, et m'en doutais : à la lecture de ce premier numéro, je crains fort désormais que mes doutes ne soient devenus réalité : tout fout le camp. Irrémédiablement. Mort aux medias. Amen !