Il me semble qu'aujourd'hui sont oubliés tous les grands exemples du passé, que tout se déroule comme si la conscience de ce qui fait la valeur éternelle d'une musique avait disparu, comme si la sagesse supérieure était tombée en déshérence. Car il existe aujourd'hui une politique de la musique. Je reprendrai seulement ici la phrase de Jacques Rouvier, Professeur au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, qui l'a fort bien saisi et dénoncé (en parlant de la seule Musique qui ici nous préoccupe, mais je crains que l'on puisse étendre son affirmation à toute forme d'Art) qui a dit : "Le problème, c'est que la Musique est devenue un business".
De plus en plus, partout, dans tous les domaines, il y a des cultes et des prêtres fanatiques. Ce mal, on le retrouve en musique, où le zèle des dilettantes, excités par l'influence des médias et l'insuffisance des critiques zélateurs est particulièrement nocif, car il engendre et généralise l'idolâtrie, la connerie, à laquelle nous assistons.
Les médias d'aujourd'hui se fichent pas mal de la beauté de l'inspiration au profit de leur cupidité. De sorte que l'on assiste à la chute définitive de la musique (et je comprends d'autant mieux la chronique de Jacques Drillon parue dans le Nouvel Obervateur du 14/02/2008, n° 2258, "La musique classique se meurt") sans parler de l'essor de l'anti-musique, des bruits inarticulés, et de la laideur sonore la plus absolue : on se surpasse aujourd'hui en fait d'inspirations cacophoniques, de bruits bizarres pour ne pas dire insupportables, témoins d'une verbosité creuse, habituellement étrangère à la création dans ce qu'elle a de noble, et l'on sombre dans le vide le plus absolu : le néant.
Et pour cause, car l'on sent bien qu'il s'agit bien plus d'une musique recherchée que trouvée : on voit comment les compositeurs d'aujourd'hui recourent aux procédés que leur offre la technologie d'aujourd'hui, en cherchant leur voie par exemple, via l'ordinateur (Le Monde, 28/03/20009 : "Ces compositeurs qui travaillent au clavier… de l'ordinateur"). Peut-on valablement les considérer comme des compositeurs ?
Pour moi, ce n'est pas de la musique, point-barre ! L'article du Monde intitule ces procédés : "la fabrique de la culture"… Drôle de culture ! Je pense que, corrects, leurs auteurs n'ont pas dû oser écrire : "la fabrique de la m....". Mais quelle époque !
Faut-il rappeler qu'au départ, l'ordinateur n'a jamais été conçu pour faire de la musique ou comme pouvant être un instrument de musique. Et un clavier d'ordinateur ne sera jamais un clavier de piano, pas plus que d'accordéon ou de n'importe quel instrument. Tout au plus, ces applications là sont elles des dérivés de la technologie d'aujourd'hui. Vous imaginez vous, un Lang Lang interprétant un concerto de Chopin sur un clavier de PC ? Moi pas. Passons !
Nous sommes condamnés à cette mondialisation des activités qui nous permet de voir les banques faire de l'assurance, les assureurs se prendre pour des banquiers, pour me limiter à ce genre d'exemple simpliste. Par extension, les informaticiens pour des musiciens-compositeurs… et les musiciens pour des informaticiens ?
Quant aux critiques, même cultivés et bien intentionnés, ils restent souvent désespérément extérieurs aux œuvres qu'ils jugent, parce qu'il ne se sont le plus souvent pas donné la peine d'écouter et de réécouter, leurs efforts se terminant après une seule audition.
En fait, dans le domaine de la critique, c'est plus compliqué aujourd'hui car tout se mélange à tout, et l'on est victime d'un magma épouvantable de textes et chroniques largement favorisés par (depuis) l'arrivée d'Internet. Ici aussi, il y aurait lieu de procéder à une sérieuse réforme du vocabulaire afin d'y vois plus clair. Je suggère que l'on laisse le terme de critique à ceux qui font état d'une création musicale, et que l'on réserve celui de "chroniqueur" à ceux, que je ne sous-estime nullement, qui nous rapportent par écrit leurs impressions de concerts.
Sans parler de la musique autre que classique, qui bat tous les records d'audience, au point d'être considérée comme musique, reléguant au second plan celle d'origine, à laquelle on est aujourd'hui contraint d'ajouter le qualificatif classique !
Comme l'a dit Schiller : "J'ai vu profaner la couronne sacrée de la renommée sur le front du vulgaire".