Réveillé comme tous les matins par le chant des piafs, quillés sur la gouttière, et qui n'ont de cesse de déverser leur fiente sur la carrosserie de ma voiture, je m'empresse d'accéder à mon toit du monde pour lire l'actualité donnée par nos chers petits journalistes musicaux qui me déversent tout leur flot de fiel.
Depuis hier, je m'amuse et m'insurge : belle série d'éditos chez les uns, de lettres-réponse chez d'autres, de prises de position tout aussi légitimes que variées, face à la réaction d'un chroniqueur bien connu de l'un de nos mensuels spécialisés, je le cite : (il n'en reste plus beaucoup, alors pourquoi vous laisserais-je le chercher) Diapason.
Cela tourne à l'imbroglio. Chacun a raison, mais tout le monde à tort. Tort de se lancer dans pareilles querelles.
Les débats, certes ne remontent pas à hier. Témoin ces deux extraits de presse que peu aujourd'hui doivent avoir en mémoire, car ils émanent d'un ancien hebdomadaire qui, hélas, eut une vie de la durée d'une rose, mais qui avait l'avantage de se consacrer d'une façon très précise exclusivement aux programmes de France Musique, assortis, pour s'étoffer, de quelques chroniques.
Comme vous le voyez, ce n'est pas d'aujourd'hui que je fais partie des "consommateurs de presse musicale", puisque c'était dans les années 1968/69 sauf erreur. A cette époque donc était paru dans ce journal un article signé Michel Glotz, en fait extrait de son bouquin "Révéler les Dieux" dans lequel il avait inclus une "lettre ouverte aux critiques musicaux".
Le dit article avait évidemment déclenché des réactions indignées, et le journal n'avait publié que celle de l'un de ses collaborateurs.
Ce fut cette publication qui me poussa à acquérir l'ouvrage de Glotz, dont la lecture m'incita à consommer davantage de presse musicale. Or à l'époque pas encore d'internet, seulement la presse spécialisée, et, c'est vrai davantage d'articles, de critiques de concerts, dans presque tous les quotidiens, autant nationaux que régionaux…
Qu'en est-il aujourd'hui ? La presse quotidienne a sérieusement baissé de régime surtout depuis l'arrivée d'Internet. Quant à la presse spécialisée, elle a fondu, en moins de dix ans, comme peau de chagrin : souvenons nous avec respect sinon émotion, des Répertoire, Opera Mag, Opéra International, et tout dernièrement du Monde de la Musique, que j'ai déjà déploré ici même, voyant dans cette disparition comme la chute de l'anneau de Mélisande au fond du puits…
Face à cette évolution, certains se demandent maintenant si des structures plus légères en terme d'investissement et de charges financières comme celles que sont les sites Web spécialisés, d'accès gratuit, ne sont pas devenues de sérieuses concurrentes des mensuels qui restent encore en place, et pensent que leur lecteur ne va pas renier à ses abonnements. Et se posent, fort honnêtement d'ailleurs, la question de savoir s'il faut s'en réjouir. D'autant que certains des chroniqueurs du Web sont aussi rédacteurs dans ces revues ou ces journaux !
Pour ma part, j'avoue ici bien franchement que j'eus préféré la disparition de Classica à celle du Monde de la musique. Et que face à la brièveté de certains de ses articles, je me pose sérieusement la question de savoir si je vais, le moment venu, renouveler mon abonnement. Même si quelques illustres signatures y poursuivent leur tâche, j'ai encore le temps, mon abonnement actuel ne venant à échéance qu'en avril 2010 !
Je ne vois pourtant dans ces divers supports, que je qualifie respectivement de " presse écrite " et de " presse internet " aucun problème de concurrence. Pour avoir vécu les quasi débuts de la presse internet, (et participé activement à Res Musica jusqu'à une certaine époque), j'ai pu aussi constater l'évolution de l'opinion de la presse papier sur la génération montante. Observés avec un certain mépris par les critiques officiels des grands journaux, les sites internet reconnus ont même parfois sympathisé avec certains de leurs aînés. Quand je vois que certains sites se voient désormais fournir des " places de presse " par l'ONP, je me dis que si concurrence il y a, c'est tant mieux ! Car je préfère lire une critique d'Opéra qui, avec photos à l'appui (pas plus de trois, en général), se parcourt sur trois ou quatre "pages-écran", qu'une simple demi-page sur Classica ou Diapason : on en sait tout de même un peu plus !
Il y a encore moins de raisons de se réjouir de la disparition des uns, que leurs conditions de travail sont radicalement différentes. Une feuille de papier n'est jamais qu'un espace limité, et comme me l'avouait assez récemment Renaud Machart, critique du Monde, c'est assez acrobatique de devoir faire une critique limitée à 4000 caractères. Problème de presse écrite, parmi tant d'autres qui lui sont propres!
Réciproquement, on ne saurait oublier celles de la presse internet, qui se plaint fréquemment d'être limitée en volume par ses hébergeurs !
Pour finir, le problème n'est-il pas aussi que la presse spécialisée, notamment Diapason, et, surtout le Monde de la Musique ont beaucoup trop tardé à aborder le Web de façon compétente ?
Même si aujourd'hui Classica "se repose" sur le site de Qobuz, l'idéal, à mes yeux, n'est pas encore atteint : un site qui reprendrait entièrement, mois par mois, l'édition papier.
Finalement, toutes ces querelles de personnes sont aussi vides qu'inutiles. Le seul bon sens qui reste serait de faire place/face au progrès.