Il ya déjà trente ans, j'avais mes favoris, régionaux ou extra régionaux. Mais au vu de leur évolution pour certains, de leur coût pour d'autres, il devient de plus en plus difficile de s'y rendre régulièrement. Et leur abondance est telle qu'on doit aujourd'hui envisager de faire un véritable Tour de France. Cette évolution n'est pas que française : elle est absolument générale ; ce n'est plus un Tour de France qu'il faut faire, mais un véritable tour du Monde.

 Et puis, surtout, à de rares exceptions, où aller aujourd'hui, quels choix faire ? Leur multiplication a tout dénaturé. Dans cette quête insensée qui remplirait un agenda complet, car désormais le festival n'est plus un évènement lié à la belle saison, on peut aussi s'amuser des "trouvailles" des organisateurs qui doivent nommer leur manifestation dont certains ne manquent pas d'humour, -encore que ce ne soit pas tellement le fait de festivals de musique classique - . Mais qu'y trouve t'on, qui soit réellement attractif, tant en programmes qu'en exécutants ? Les "stars" sont aujourd'hui tellement demandées, qu'il faudrait parcourir la France, que-dis-je, l'Europe, le Monde, de façon à la fois éreintante et dispendieuse.

 Quand je vois le catalogue des Festivals d'été pour la France produit chaque année par le mensuel Diapason, j'ai beau le parcourir de façon détaillée, je constate, pour beaucoup d'entre eux un véritable appauvrissement de leurs programmes. Seuls, quelques uns, (Laroque d'Anthéron, pour n'en citer qu'un) gardent la tête haute. Mais on est forcé de constater que certains, jadis très connus, qui ont eu leur réelle heure de gloire, se sont tristement appauvris. Un Aix en Provence, un Prades, même un Bayreuth ne sont plus ce qu'ils étaient.

 Et ailleurs, c'est misère ; et la misère se propage à la vitesse des TGV. C'est devenu de nos jours une obligation : toute commune qui se respecte et veut faire du fric – car, il faut le dire,  c'est bien de cela et rien que cela dont il s'agit – doit créer sa propre manifestation. Il y en a partout. Rien que dans mon pauvre département de l'Aude, il faudrait que je m'emploie à les dénombrer : chaque saison d'été en voit surgir de nouveaux. Au cours des derniers années j'ai ainsi assisté à Saint-Hilaire à des petites manifestations soutenues par le Conseil Général de l'Aude. Si elles aident (?) quelques artistes, elles sont d'une tristesse à pleurer et ne peuvent prétendre sérieusement à développer la promotion et la connaissance de notre beau pays.

 Ne soyons toutefois pas excessivement "vaches" : bien sûr, il doit y avoir, de l'un à l'autre, une ou deux soirées intéressantes. Mais si l'on en reste aux plus connus, (je pense, pour l'Aude, au célèbre Festival de la Cité) je suis loin, très loin d'y trouver aujourd'hui des soirées comme celles qui s'imposaient jadis : Plus de Cziffra, plus de Menuhin, plus de Richter, plus de Kempff et j'en passe.

Certes : ceux-là sont tous hélas d'un autre monde aujourd'hui. Pour autant, ils ont une belle relève, voire plus abondante qu'à leur époque.

 Que ne les sollicite t'on ? Difficile, c'est sûr : leurs impresarios, agents de concert et autres leur tiennent d'une part un timing très serré, et d'autre part sont relativement gourmands sur le chapitre de leurs prestations. Ce qui ne rend pas la tâche facile à des organisateurs de festivals de moins en moins aidés financièrement.

 J'en lis toujours les compte rendus, souvent inconséquents, car rédigés par des gens de culture musicale tristement insuffisante mais qui se prennent pour des Phoenix…

 Et puis il y a l'invasion des medias. Si nos chaines nationales de télévision ne sont pas les mieux placées, (d'ailleurs elles ne s'y sont jamais sérieusement intéressées), le web a heureusement que d'autres prennent le relai d'une façon plutôt satisfaisante, même si la prise de vue est souvent critiquable, (trop de zoom, scènes parfois invisibles tellement elles sont sombres : il reste des progrès à faire !) qui ne donne jamais la même sensation que celle d'y assister réellement.

 Mais cela apporte la possibilité d'y "assister" confortablement installé dans son fauteuil face à l'écran de son PC. J'ai le choix de regarder ce que je veux, à l'heure qui me va, pour une cotisation souvent minime. Tout compte fait, j'ai de la chance, ma difficulté à me déplacer avec mon indispensable béquille, me sauvegarde de la difficulté d'accéder aux estrades des festivals de musique dont j'étais coutumier : je commence à moins regretter…