Vous allez au concert ? C'est bien !

Mais faites vous partie de cette "claque" qui se produit presque régulièrement à l'issue du concert pour réclamer des "bis" ?

Voilà une question qui se rapporte à un concert que le grand pianiste russe Evgeny Kissin donnait à l'époque à Pleyel, et j'avais pris le temps d'une réflexion avant de répondre à un critique que je lis régulièrement sur le net, et avec qui il m'arrive d'échanger, comme ce fut le cas, ici.

Le 4 décembre 2012, le célèbre pianiste russe Engeny Kissin était à Paris pour donner un concert avec l'Orchestre de Paris sous la direction de Peter Oundjan.

Gérard Manoni, puisque c'est de lui qu'il s'agit, critique musical bien connu des lecteurs d'Altamusica en fit la critique et évoqua, à propos de ce concert les nombreux bis donnés par le soliste. En substance il écrivit (je le cite texto, ayant conservé son compre-rendu) :

" Curieux programme et inutile multiplication de bis pour ce concert dont Evgueni Kissin était la vedette et le Concerto pour piano de Grieg la pièce maîtresse. Du Katchaturian assez clinquant et la Deuxième Symphonie dite Petite Russienne de Tchaïkovski entouraient l’œuvre jouée par l’interprète vedette, impérial comme toujours…".

Et il terrmina sa critique par cette conclusion :

"Deux rappels, et au troisième, encore un bis, des plus désastreux, un Katchaturian de cirque, à oublier au plus vite. Inutile et finalement abusif.

La manie du bis se répand d’ailleurs aujourd’hui avec une propension bien discutable. Ce qui ne devrait être qu’un remerciement à un public qui applaudit longuement et avec insistance et devrait se faire désirer, arrive bien trop souvent tout de suite, comme si on avait peur de ne pas être rappelé assez longtemps pour jouer ce qu’on a préparé.

Cela n’a plus de sens et a pour effet de casser le climat créé par la dernière œuvre si ce n’est pas le concert entier. Laissons le public souffler un peu, assimiler ce qu’il vient d’entendre, avant de l’entraîner si précipitamment vers de nouvelles aventures qui n’ont souvent rien à voir avec ce qui précède.

Et puis, sauf triomphe historique, un orchestre ne donne pas un bis dans un concert de saison comme il le fait presque nécessairement en tournée. Ici, c’était le chef qui était en tournée, par l’orchestre. Et si seulement la musique avait été autre…"

Étonné, mais satisfait, jubilant presque sur ses derniers propos, je le contactai par mail, lui faisant part de ma satisfaction de le voir dénoncer de telle façon l'attitude du public sur un site aussi connu, tant il est vrai que le lectorat a depuis longtemps perdu l'usage de chroniqueurs, tels Bernard Gavoty, et bien d'autres qui, à une époque où Internet n'existait pas, ne mâchaient pas leurs mots.

Puisque vous me demandez ma réaction au sujet de ce concert, voici donc ma réflexion sur ce que j'appellerai la " bissomanie ".

Je me garderai cependant de citer d'autres exemples, la diffusion désormais importante des concerts sur le net permettrait en effet une dénonciation indirecte, mais aisément identifiable.

Venons en au fait :

Je trouve que la manie du bis se répand aujourd’hui avec une propension bien discutable : ce qui ne devrait être qu’un remerciement de l'artiste à son public qui l'applaudit longuement et avec insistance et devrait se faire désirer, arrive bien trop souvent tout de suite, comme s'il avait peur de ne pas être rappelé assez longtemps pour jouer ce qu’il a préparé ! Cela n’a plus de sens et a pour effet de casser le climat créé par la dernière œuvre si ce n’est par le concert tout entier, et est parfois à la limite du ridicule.

Au contraire, l'interprète sérieux devrait avoir le souci de laisser le public souffler un peu, de le laisser assimiler ce qu’il vient d’entendre, avant de l’entraîner si précipitamment vers de nouvelles aventures qui n’ont souvent rien à voir avec ce qui précède.

Trop souvent aujourd'hui, on voit des interprètes, à peine sortis deux fois de la scène, revenir exécuter un bis que " la claque " n'avait pas encore réclamé ! Attitude prétentieuse et pernicieuse car à la longue elle conditionne et éduque mal le public.

On voit aussi parfois des artistes qui se plaisent à faire durer la claque, quand ce n'est pas des salles, ou un public, régulièrement habitué à cette manie en fin de concert : l'hystérie n'est plus loin…

Cela dit, et pour être plus complet sur le sujet, il faut aussi parler des bis d'orchestres : normalement il est connu (c'est même une tradition, -mais qui, aujourd'hui, a encore cure de la tradition- ?) qu' un orchestre ne donne pas un bis dans un concert de saison comme il le fait presque nécessairement en tournée.

Sauf lorsque c'est le chef qui est en tournée, avec son orchestre ou sans (chef " invité ").

Dommage, soit dit en passant, que Christian Merlin, (actuel  critique musical au Fiigaro et écrivain bien connu pour ses ouvrages sur la musique) n'ait pas creusé le sujet dans son livre pourtant très complet : " Au cœur de l'orchestre ".

Je laisse les débats ouverts, certain, qui plus est, que nombre de critiques musicaux de bonne culture autant que de bonne éducation, en parleraient encore mieux que moi.