Je mets en copie ci-après une lettre ouverte que j'avais adresée à l'époque à Anne-Sophie Mutter.
Pour ceux qui ne la connaissent pas, j'indiquerai simplement ici qu'il s'agit d'une violoniste internationale révélée à l'époque par le grand chef d'orchestre Herbert von Karajan.
Ci-joint donc copie d'uen lettre ouverte que je lui avais adressée, violoniste bien connue,à,une époque,ou elle se plaignait du manque de bon goût du public.
Veuillez Madame, tout d'abord m'excuser : car je ne parle ni n'écris l'allemand. Mais j'espère que cela ne sera pas un obstacle pour vous.
" Il y a une dégradation générale de la culture ", déclarez-vous fort justement, Madame Mutter, dans le dernier numéro du Monde de la Musique, "…les exemples sont nombreux". Dans le même sens vous poursuivez encore : "Il y a deux types de création : le premier ne réclame que la qualité, le second, que la couverture médiatique. J'ai peur que le second ne l'emporte sur le premier ".
Hélas, que ne dites vous là, Madame Mutter, trois fois hélas ! Mais vous avez cent fois raison de dénoncer cela ! Les exemples sont comme vous dites, si nombreux que c'est déjà fait, presque partout.
Parlant des critiques, vous évoquez une troisième catégorie, faite de journalistes et de gens " qui ne vous connaissent pas ". Mais Madame, non seulement ils ne vous connaissent pas, (je conçois sincèrement que vous le puissiez le regretter) mais ce sont tous des gens qui ne connaissent rien à rien ; pire même : comment voulez vous qu'ils puissent s'intéresser à votre propre évolution personnelle, quand ils ne s'intéressent même pas à ce que vous jouez ? Ce ne sont qu'affairistes obligés, qui se permettent d'émettre des opinions de piètre qualité, dangereuses, car aussi contagieuses que des virus. Le pire, c'est que vous êtes souvent forcée, vous comme tant d'autres nobles artistes d'être confrontés à tous ceux là ! Voulez vous que je vous dise ? Vous devriez non seulement les éviter, mais les fuir. Ceux là sont les Huns de la musique.
Et quand ces médias vont " couvrir " puis nous relater en en faisant des gorges chaudes, des créations comme celle que vous évoquez, à l'aéroport de Salzbourg, tout le monde applaudit, qu'il y ait assisté ou non, et, dans le premier cas qu'il y ait compris quelque chose ou rien du tout. C'est le grand Aldo CICCOLINI qui disait récemment dans une interview à Télérama : " Le public avale n'importe quoi ".
Quand donc le lectorat (je précise : le lectorat réellement cultivé) de ces journaux (tout autant d'ailleurs que de nombreux sites internet soi-disant voués à la Musique), le public (cultivé) de ces médias, va t'il se soulever, se révolter, pour leur dire fermement : "Non, Monsieur, Non, Madame, ce n'est pas pour avoir un jus de cette qualité là que nous vous avons réglé notre abonnement ! Servez nous autre chose : du sérieux"..
Si la majorité des lectorats avait ce comportement, il y a fort à parier que leurs chroniqueurs et autres confrères finiraient par se plier à cette volonté et abandonneraient ces fausses routes, et se taieraient enfin.
Oh, je ne me fais plus aucune illusion, et je sais très bien qu'en prenant ainsi le risque de m'exprimer publiquement je vais être aussitôt lapidé par tous ceux qui vont me traiter de vieux réac, d'immobiliste suranné et toutes sortes d'insultes de ce genre. Mais précisément quels sont ceux là ? Toujours les mêmes ; des pauvres, des "non instruits", des snobs, des barbares, des "qui croient tout connaître, mais qui ne savent rien de rien" et j'en passe car en faire la liste serait trop long ; je les fourre tous indistinctement dans le même sac. Si les vrais amoureux de la bonne musique laissaient faire, ces imbéciles là finiront par tuer la musique. Ils sont le cancer de la musique.
Mahler disait : " Mon temps viendra ". Plus modestement, j'affirme que "Le temps viendra, qui nous donnera raison". Mais dans combien de temps ? Il est temps de réagir.
Et ce qui prête à sourire (?) ce sont précisément les acteurs de ces médias. Les voir, chacun dans ses colonnes, s'étonner pour les uns, déplorer un état de fait pour d'autres, ou s'émouvoir du passé disparu (tel Georges Gad pleurant les Karajan, les Bernstein, les Celidibache, et déplorant le plébiscite du Philharmonique de Berlin sur la personne de Simon Rattle…" pour ses qualités de dépoussiéreur plutôt que pour son talent à perpétuer la grande tradition germanique "), n'est-il pas paradoxal quand dans le même support, quelques colonnes plus loin, on assiste à des louanges dithyrambiques de la dernière création ou de la reprise de tel ou tel opéra, écrites par les mêmes ? Ont-ils déjà oublié pourquoi un Wolfgang SAWALLISCH a décidé d'abandonner l'opéra ? " Nous vivons à une époque où les metteurs en scène ne savent plus lire une partition. Comment pourraient-ils travailler correctement ? " disait-il, excédé par l'arrogance des metteurs en scène.
Les raisons de cette dangereuse évolution sont simples et tiennent en peu d'explications : encore faut-il observer leur interactivité :
Si la culture se dégrade, c'est d'abord parce qu'à partir d'un certain moment, elle n'a plus précisément été cultivée, dans les mêmes conditions d'exigence qu'auparavant. Elle n'a donc plus pu continuer à se développer "noblement".
Parallèlement on a assisté à l'apparition que dis-je, à la prolifération de tout un tas d'individus, d'organes, qui ont voulu s'en mêler : partant, le gâteau grossissant toujours plus, tous ont voulu se le partager, de sorte que chacun n'en a plus que des miettes. Mais cultiver les miettes de ce que l'on consomme ne suffit pas à régénérer le produit ! C'est malheureusement un phénomène bien connu que la Culture, c'est comme la confiture : moins on en a et plus on l'étale. Et c'est exactement ce à quoi nous assistons.
Concomitamment, a surgi un troisième phénomène que peu ont perçu. Monsieur Jacques Rouvier, Professeur au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris l'a fort bien saisi et dénoncé (en parlant de la seule Musique qui ici nous préoccupe, mais je crains que l'on puisse étendre son affirmation à toute forme d'Art) qui a dit : " Le problème, c'est que la Musique est devenue un business ".
Ajoutez à cela le développement hyper rapide depuis un demi-siècle des technologies dont on a rarement fait le meilleur usage, en dépit de ce qu'elles pouvaient offrir de bon : en soi, les innovations apparues sont toutes parfaitement louables, le problème étant que tous les acteurs du même business ont voulu sinon les mettre à leur service, du moins s'en mêler, dans le seul but d'un profit maximum, mais jamais soucieux du devenir du gâteau…
…et voilà tous les ingrédients réunis pour que le gâteau disparaisse,
dé-fi-ni-ti-ve-ment.
Aujourd'hui, la menace est sérieuse, d'autant plus sérieuse que l'on peut pressentir la disparition du gâteau.
Il y a urgence à organiser une grande croisade pour sauver la Culture, et mettre en place un tri sélectif et sans pitié de ce qui nous est proposé. C'est à ceux qui se sentent concernés que nous devons prioritairement nous adresser : ils doivent vous rejoindre afin que tous ensemble nous sachions avec discernement garder ce qui est bon et envoyer au pilori ce qui ne l'est pas.
Comme vous le dites si bien, Mme Mutter, nous devons tous nous lever pour crier que tout ça c'est de la m… afin qu'entre un bruit ordinaire et la musique, la distinction ne soit précisément plus un problème.
"...Je vous souhaite bon succès dans vos efforts
pour l'Art, car c'est l'Art seul et la Science
qui nous montrent et nous font espérer
une existence plus haute".
Ludwig Van Beethoven- Septembre 1824.
Christian VIGUIE
16 février 2005
Très bon réveillon (malgré l'actualité et les choses qui fâchent à travers le Monde..)..Un Joyeux Noël également !
Très bonne fin de soirée comme réveillon..Denis.